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Les jumeaux

La fumée s’évapore au rythme de son souffle, non contrôlée, elle part vers le ciel. Son odeur reste, lui permettant de se sentir quelque peu présente. Elle pénètre le tissu qui recouvre son torse. Elle pénètre ses cheveux, chaque brin de chevelure prend son odeur.

Il se lève, mettant en avant sa grandeur, sa carrure imposante. Il se tient désormais debout, toujours ce bout de cigarette entre les lèvres. Il scrute son environnement, il est dans une pièce, où la fenêtre est ouverte. Il marche vers le lit, s’assied dans les draps sombres. Il recouvre ses jambes nues du drap, il aspire une bouffée de sa cigarette, la dernière, avant de la prendre et de l’écraser dans le cendrier, posé juste à côté de lui, sur la table de chevet.

Il s’allonge, les bras derrière la tête, expirant le reste de fumée qu’il tient encore dans sa respiration. L’expiration est lente, si bien qu’il perçoit les vibrations de l’air perturber la parfaite ondulation de la fumée. Une main vient tout à coup passer devant ses yeux, essayant de jouer avec la vapeur. Ou peut-être est-ce pour attirer son attention ? Il étend son bras gauche, et alors vient une tête se poser dans le creux de son épaule, une main se poser sur le t-shirt qu’il porte encore, et une jambe s’emmêler aux siennes. Il replie son bras, afin d’emmener l’étreinte à se réaliser. Il serre fort, mais doucement, la personne qu’il tient contre lui. Il enfoui son nez dans les cheveux qui le chatouille, et en respire l’effluve. Ses cheveux ont un parfum d’agrumes, odeur caractéristique de sa soeur.

La personne qu’il tient dans ses bras est sa soeur, sa jumelle, avec qui il a une relation fusionnelle. Ils sont inséparables, mais il n’a pas compris pourquoi elle était dans son lit. Elle lève les yeux, et avec le rayon de soleil qui passe au travers des rideaux sombres, il aperçoit son sourire, ses yeux qui brillent. Il resserre son étreinte, et ferme les yeux, profitant de l’instant.

Quelques instants plus tard, elle se lève, le laissant dans ses songes. Elle se tient debout, dans l’obscurité de la chambre, et le regarde. Il est paisible, elle peut maintenant s’en aller.

De son côté, il ressent le froid lorsqu’elle part, et attrape la couverture repliée au pied du lit. il s’en recouvre, rouvrant les yeux. Il cherche de sa main droite l'interrupteur, afin d’éclairer la pièce. Ses yeux clignent afin de s’habituer, et il peut voir que sa chambre est vide. Il se lève, et se demande si le fait d’avoir pu serrer sa soeur dans ses bras était un rêve. Il regarde son lit, découvrant que le côté gauche du lit n’est pas défait. Seul le droit, où il était, l’est. Il détourne son regard, tombe sur le cadre photo positionné derrière le cendrier qu’il avait utilisé plus tôt.

Les larmes commencent à monter, il n’avait pas pu serrer sa soeur dans ses bras. Elle n’était plus là depuis quelques semaines, maintenant. Il n’arrive pas à faire son deuil. Les sentiments étaient trop durs à affronter, alors dans le noir, une fois qu’il a éteint les lumières, il laisse le flot de larmes partir. Son chagrin est si grand. Jamais il ne la verrait sourire à nouveau, jamais il ne pourrait lui refaire un câlin, jamais elle ne grandira.

Il attrape le bas de son t-shirt, s’essuie le visage, et à tâtons, il attrape son paquet de cigarette et en reprend une. Il repense à cet accident.

Sa soeur sortait de l’université, elle allait pour rentrer à leur appartement. Mais elle était au mauvais moment, au mauvais endroit. Elle n’avait pas pris le chemin habituel, et au détour d’une rue, elle s’était pris une balle perdue. Balle perdue qui lui a pris la vie. Il n’a aucune possibilité de savoir qui a tiré, elle était entrée par mégarde dans une manifestation violente. Elle écoutait toujours sa musique, à fond, dans ses écouteurs, pour se libérer de ce qui l’entoure.

Elle n’était pas la seule victime, mais pour lui, elle seule compte. Une partie de lui s’est déchirée lorsqu’on est venu le chercher, pour savoir si elle était bien de sa famille. Il a vu son corps, étendu sur une table en fer, recouvert d’un drap blanc. Il l’a regardé, et a pleuré. Le médecin l’a fait sortir, mais il restait bloqué sur ses pieds, comme enfoncés dans le sol. Il a serré le poing, attendant les explications. Il était dépité, et lui en voulait à elle. Quelle idiote, d’avoir voulu changer de chemin, pile ce jour-là.

Dans sa chambre, dans le noir, tirant sur sa clope, il fixe le cadre. Elle ne reviendra pas.

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